Pourquoi le e se dit a ?

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Lancienne prononciation de em ressemblait à celle de emmerder, un son nasal. Au 15e siècle, cette nasalisation a disparu, mais lorthographe est restée. On a alors adopté le son a, et non è comme lécriture le suggère.

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Le Mystère du “e” qui se prononce “a” : Une histoire d’orthographe rebelle

Pourquoi, en français, le “e” muet, notamment dans des mots comme “femme” ou “homme”, se prononce-t-il souvent comme un “a” ? La réponse ne réside pas dans une simple fantaisie linguistique, mais dans une histoire complexe d’évolution phonétique et d’inertie orthographique. Contrairement à une idée répandue, il ne s’agit pas d’une prononciation “approximative” ou “régionale”, mais d’une survivance d’une prononciation ancienne qui a laissé une trace indélébile dans notre système d’écriture.

L’explication se trouve dans la manière dont les mots terminés par “-em” étaient prononcés autrefois. Imaginez un son nasal, profond et velouté, loin du “e” muet presque inaudible que l’on prononce aujourd’hui. Ce son nasal, proche de celui que l’on retrouve dans des mots comme “en” ou, plus explicite encore, dans le verbe familier “emmerder”, était la réalité phonétique de ces terminaisons au Moyen Âge. Cette prononciation, riche en résonance nasale, est attestée par de nombreuses études de linguistique historique.

Le tournant majeur se produit au XVe siècle. Un changement phonétique majeur affecte la langue française : la nasalisation disparaît progressivement de ces terminaisons. Le son “em” perd sa nasalité caractéristique, évoluant vers un son plus proche de “a”. Cependant, l’orthographe, elle, reste inchangée. Le “e” muet continue d’être écrit, même si sa prononciation a radicalement évolué. On a donc conservé l’écriture du “e” tout en adoptant une prononciation qui le transforme, en pratique, en un “a”. Le système graphique n’a pas suivi l’évolution du système sonore, créant ainsi une dissonance entre l’écrit et l’oral qui persiste encore aujourd’hui.

Ce décalage entre la graphie et la prononciation n’est pas unique au français. De nombreuses langues connaissent ce phénomène d’« orthographe étymologique », où l’écriture reflète une prononciation ancienne, désormais obsolète. Mais le cas du “e” qui se prononce “a” reste un exemple particulièrement frappant de la complexité et de la richesse – parfois déroutante – de l’histoire de notre langue. Il témoigne de l’influence durable du passé sur le présent, et nous rappelle que l’orthographe française, loin d’être une science exacte, est le produit d’une longue et fascinante évolution. Elle nous invite à décrypter les vestiges phonétiques qui se cachent derrière les lettres, et à appréhender la langue française non seulement comme un outil de communication, mais aussi comme un témoignage vivant de son histoire.