Quelle blague nulle ?

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Sur la plage, une mouette vole un sandwich. Son amie propose : « On partage ? ». Ailleurs, un crocodile mâle, charmé par une femelle, se pavane fièrement, arborant sa plus belle Lacoste.

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La quête de la blague la plus nulle : un essai sur le néant comique

L’humour, art subtil et insaisissable, repose souvent sur un décalage, une rupture d’attente, une incongruité. Mais qu’en est-il lorsque l’on cherche délibérément la blague la plus nulle possible ? L’objectif n’est plus de provoquer le rire, mais plutôt de sonder les limites mêmes du comique, de naviguer dans le néant humoristique. Et c’est précisément ce que nous allons tenter d’explorer à travers deux exemples apparemment innocents, voire carrément insipides.

Commençons par le récit de la mouette voleuse. “Sur la plage, une mouette vole un sandwich. Son amie propose : ‘On partage ?’ “. L’absence totale de punchline est ici le moteur même de la nullité. On s’attend à une pointe d’humour, une ironie, une pirouette verbale. Rien. Seule la banalité la plus complète prévaut. L’absence de conflit, le manque flagrant de tension narrative, contribuent à l’effet comique… ou plutôt, à l’absence totale d’effet. C’est dans cette vacuité humoristique que réside, paradoxalement, une certaine forme de drôlerie. Elle relève moins de l’humour que d’une observation absurde de la réalité, d’une simplicité à la limite de l’inanité. Elle provoque un rire gêné, un sourire forcé, un haussement d’épaules résigné. La blague fonctionne par son incapacité à fonctionner.

Notre deuxième exemple, celui du crocodile en Lacoste, suit une logique similaire. “Ailleurs, un crocodile mâle, charmé par une femelle, se pavane fièrement, arborant sa plus belle Lacoste.” L’image est surréaliste, incongruë, mais dénuée de toute tentative de construction comique. Le crocodile en Lacoste n’est qu’une juxtaposition absurde, un assemblage d’éléments hétéroclites sans véritable lien narratif ni intention humoristique apparente. L’humour ici, s’il existe, se niche dans l’inattendue juxtaposition du reptile prédateur et de la marque de vêtements chic. L’absence de jeu de mots, de double sens ou de situation cocasse accentue la platitude de la scène. C’est un humour minimaliste, qui repose sur le seul choc des contraires, sans chercher à l’exploiter davantage.

En conclusion, ces deux “blagues” illustrent parfaitement la quête de la nullité comique. Elles ne cherchent pas à faire rire au sens conventionnel du terme, mais plutôt à explorer les limites du comique, à mettre en lumière l’absurdité inhérente à la tentative même de faire rire. Leur véritable force réside dans leur incapacité à être drôles, une incapacité qui, paradoxalement, les rend fascinantes et, d’une certaine manière, presque drôles. L’humour, finalement, n’est peut-être que la distance entre l’attente et la réalité, et ces blagues, en déjouant toute attente, atteignent un niveau unique de nullité, une forme d’anti-humour qui mérite, malgré tout, notre attention.