Pourquoi le lion est-il devenu le roi des animaux ?

Le lion, roi des animaux : une couronne forgée dans les textes, plus que dans la savane

Le rugissement puissant, la crinière flamboyante, le regard perçant : le lion fascine et impose le respect. Mais pourquoi le qualifie-t-on de “roi des animaux” ? Contrairement à une idée reçue, ce titre n’est pas dû à une domination sans partage sur la savane. Il est le fruit d’une construction culturelle, ancrée dans des textes anciens plutôt que dans la réalité du règne animal.

Le point de départ de cette royauté symbolique se situe dans le Physiologus, un bestiaire antique rédigé en grec à Alexandrie entre le IIe et le IIIe siècle de notre ère. Cet ouvrage, ancêtre des encyclopédies médiévales, décrit les animaux en leur attribuant des significations morales et allégoriques. Or, le lion y occupe une place de choix : il est le premier animal présenté, une position de primauté qui lui confère d’emblée une aura de majesté. Traduit en latin au IVe siècle, le Physiologus a connu une diffusion considérable en Europe, influençant profondément l’art, la littérature et la pensée occidentale. L’image du lion-roi, solidement ancrée dans ce texte fondateur, s’est ainsi propagée à travers les siècles.

Le Physiologus attribue au lion plusieurs caractéristiques symboliques qui ont contribué à asseoir sa royauté. Sa force et son courage sont évidemment mis en avant, mais l’ouvrage insiste également sur d’autres aspects plus subtils, comme la protection qu’il offre à ses lionceaux ou sa supposée capacité à effacer ses traces avec sa queue. Ces traits, interprétés comme des symboles de vigilance et de sagesse, renforcent l’image d’un animal noble et digne de régner.

Il est important de souligner que cette image idéalisée du lion contraste avec la réalité de son comportement dans la nature. S’il est un prédateur redoutable, le lion n’est pas invincible. D’autres animaux, comme l’éléphant ou le rhinocéros, peuvent le mettre en déroute. De plus, la structure sociale des lions, basée sur la domination d’un mâle sur un groupe de femelles, est loin de l’image d’un monarque juste et bienveillant.

En définitive, la royauté du lion n’est pas une donnée naturelle, mais une construction culturelle issue de l’interprétation symbolique de ses attributs. Le Physiologus, en plaçant le lion au sommet de sa hiérarchie animale, a forgé une image qui a traversé les époques et continue d’influencer notre perception de cet animal fascinant. Le lion n’est donc pas roi de la savane, mais roi de notre imaginaire, un trône qu’il occupe depuis des siècles grâce à la puissance des mots et des symboles.