Qui a inventé le concept de charge mentale ?

Au-delà du Buzz: Déconstruire le Mythe de l’Invention de la Charge Mentale

Le terme “charge mentale” est aujourd’hui omniprésent, un mot-clé évoquant la fatigue invisible liée à l’organisation et à la gestion des tâches domestiques et familiales. On attribue souvent son invention à une personne, une sorte de figure tutélaire ayant soudainement mis le doigt sur un mal jusque-là insoupçonné. Cependant, réduire la complexité de ce concept à une seule invention est une simplification trompeuse. Il est crucial de comprendre que la charge mentale, bien que nommée ainsi relativement récemment, est une réalité vécue par des générations, et son émergence comme concept académique est le fruit d’un processus complexe et progressif.

Si le nom de Monique Haicault est indissociable du terme “charge mentale”, il est important de nuancer son rôle. En effet, son article de 1984, “La Gestion ordinaire de la vie en deux”, publié dans la revue Recherches et travaux, ne “crée” pas le concept ex nihilo. Haicault, sociologue, décrit dans ce texte la double journée des femmes, une double charge invisible et épuisante consistant à gérer simultanément les obligations professionnelles et les tâches domestiques, cette dernière étant souvent dépourvue de reconnaissance et de partage équitable. Elle analyse la manière dont cette double charge impacte la vie des femmes, et son article propose une analyse sociologique de ce phénomène, mettant en lumière la complexité de la gestion des responsabilités familiales.

Il ne s’agit pas d’une invention, mais plutôt d’une nom et d’une formalisation scientifique. Avant Haicault, de nombreuses féministes, écrivaines et chercheuses ont abordé les inégalités de la répartition des tâches domestiques et de la charge invisible qui en découle. Leur travail, bien que parfois moins directement formulé, a jeté les bases de la réflexion ultérieure. Haicault a le mérite d’avoir synthétisé et conceptualisé cette réalité sociale en utilisant le terme « charge mentale », lui conférant ainsi une visibilité et un nom précis, favorisant sa diffusion et son analyse.

En conclusion, attribuer l’invention de la charge mentale à Monique Haicault est une simplification. Son travail a été crucial pour la reconnaissance et la théorisation de ce phénomène. Cependant, il s’inscrit dans un héritage plus large, un long processus de réflexion féministe et sociologique ayant déjà pointé du doigt les inégalités de genre dans la sphère domestique. Reconnaître la complexité de cette émergence est essentiel pour une compréhension plus juste et plus nuancée de la charge mentale et de ses implications. Le mérite de Haicault réside non pas dans l’invention d’un concept inconnu, mais dans sa brillante articulation et sa conceptualisation précise, permettant une meilleure compréhension et une prise de conscience accrue de ce fardeau invisible.